Malheureusement, ce très beau spectacle dont je vais vous parler ici est terminé là où je l'ai vu (au TNB à Rennes), et j'ignore si il continuera à tourner ailleurs en France. Mais voilà, j'avais juste envie de partager avec vous le plaisir que j'ai eu à le voir...
Casimir et Caroline est donc l'une des pièces les plus connues de l'auteur autrichien d'origine hongroise Ödön Von Horvath (également auteur de Légendes de la forêt viennoise). Ecrit en 1930, au coeur de la grande crise sociale qui suivit le krach de 1929, il met en scène un jeune couple, Casimir et Caroline, venus à la fête de la bière à Munich. Casimir est chauffeur, Caroline employée dans un bureau. Casimir a été licencié la veille. C'est ce licenciement qui va détruire, peu à peu, le couple d'amoureux venu s'amuser comme tant d'autres à la fête foraine. Et pourtant, Caroline est enthousiaste et optimiste, Caroline est amoureuse et considère qu'une femme bien s'accroche d'autant plus à son homme que celui-ci est balloté par le sort. Mais Casimir n'y croit plus, lui. Les deux amants ne se comprennent plus et s'éloignent l'un de l'autre au fur et à mesure que la journée avance. Casimir se saoûle et se ruine, Caroline flirte avec des grands patrons et un vendeur rencontré au pied des montagnes russes, à côté et autour d'eux d'eux, des malfrats, des filles légères, des monstres de foire, des forains, des capitalistes en goguette, au dessus d'eux, un zeppelin dont la technologie ambitieuse et le "beau monde" qui vole à son bord fait rêver tout le petit peuple qui l'admire "d'en bas" sans imaginer voler un jour dans les airs à son tour... Au final, le couple et toute la société qui l'entoure sombreront corps et âme...
Emmanuel Demarcy-Mota, le tout nouveau et jeune directeur du Théâtre de la Ville, a eu beaucoup d'ambition pour cette pièce qu'il a remaniée en lui ajoutant des textes issus d'autres pièces de l'auteur. Il a choisi de privilégier un aspect choral, chacun des dix-neuf acteurs composant la distribution sont autant de facettes des personnages de Casimir et Caroline. A cela s'ajoute un décor à la fois simple et "casse-gueule" (des structures métalliques qu'escaladent avec brio les comédiens, mais j'avoue que cela m'a parfois fait peur pour eux, moi qui suis sujette au vertige...), évoquant la fête foraine dans tous ses états (montagnes russes, tavernes, attractions...). Ombres et lumières sur ce décor forment des images saisissantes (l'ouverture de la pièce est particulièrement impressionnante, l'ombre des dix-neuf comédiens juchés sur les structures métalliques du décor évoquant à la fois un champ de bataille et un camp de prisonniers !). A cela s'ajoute l'interprétation parfaite des comédiens, Sylvie Testud bien sûr, une Caroline à la fois frêle physiquement et forte moralement, mais aussi Hugues Quester et Sarah Karbasnikoff dont j'ai particulièrement apprécié la prestation... pour ne citer qu'eux ! On se laisse entraîner pendant une heure trente par le tourbillon de ce parfait choeur d'acteurs, et par la mécanique parfaite du très beau texte d'Horvath dont l'actualité nous saute à la figure, près de 80 ans après son écriture.
A recommander, donc, si ce beau spectacle s'offre une tournée de plus lors de la saison prochaine !